Première fois de ma vie que ma grand-mère est contente de me voir. Et mon père qui fait les quatre cents pas en répétant « Oh mon dieu, elle est comme elle », « Maëlyssa ma fille chérie est comme sa mère », « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire ? ». Mais le bonus c’est ma grand-mère qui dit : « Ça, c’est MA petite-fille !! J’ai toujours cru en toi ».
Depuis des années, ma grand-mère nous recevait dans le salon terrassasse à l’extérieur. Aujourd’hui, nous nous asseyons confortablement dans le salon immaculé, propre et bien décoré. Ma grand-mère m’explique alors que je suis en train de développer mes pouvoirs de diablesse et à l’expression de mon père, tout cela est réel. Les contes et légendes de la Guadeloupe ont leurs fondements sur la réalité. C’est tout un univers caché qui s’ouvre à moi. Je découvre alors, je descend d’une lignée de diablesse. Ma grand-mère, ma mère sont des diablesses et ce pouvoir est l’un des seuls qui se transmet uniquement aux femmes de la famille.
Ma grand-mère s’extasie de mes pouvoirs, car elle en doutait, j’aurais très bien pu être soukounyan comme mon père. Elle est contente que sa petite-fille ne soit pas d’une classe inférieure. Quelle idée avait eu ma mère de mélanger son sang de diablesse pur avec celui d’un soukounyan ? J’étais « bata-soukounyan » à ses yeux.
Je ne sais pas si c’est la découverte de ce monde mystique ou ces derniers mots de ma grand-mère, mais j’ai eu l’impression que je pourrais déchaîner un cyclone force 5 sur elle. (Tu sais comme HUGO en 1989, non ? Tu ne sais pas, tu n'étais pas né, comme moi-même. Apparemment, c'est la référence.)
Comment ose-t’elle parler de mon père de la sorte ? Il n’y a que moi qui ai le droit de lui manquer de respect. Sous prétexte que je sois une véritable diablesse, elle se permet des propos "Magiphobe " et "Anti-soukounyan". Mon corps s’enflamme, je lui jette un regard noir, je m’apprête à me lever et à bondir sur elle. D’un geste directif, elle m’ordonne de m’asseoir. Je ne veux pas, mais j’ai la sensation d’avoir un poids posé sur mes épaules qui m’oblige à rester immobile. Elle me regarde et répète « Assis, j’ai dit ». Je découvre la puissance des mots et des gestes d’une diablesse. J’ai beau essayé de résister, elle ne cède pas, je finis part tomber comme une mouche. Je sens ma tête qui tourne et mon corps faible. Mon père est là, bouche bée et ma grand-mère me dit : leçon numéro une, la maîtrise de la colère.
J’enrage, je suis à la fois désemparée et frustrée. Je hurle alors à mon père « En voiture papa ! ». Et pour la première fois, je le sens se soumettre à ma volonté. Mon père tourne les talons et se dirige vers la voiture sans pouvoir maîtriser son corps. Ma grand-mère me crie au loin : « Tu apprends vite ma fille !».
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